J’aime le mot “ligérien”. Je l’aime parce qu’il recouvre la culture du regard et de la patience. Le regard sur la beauté de ce val qui nous laisse le sentiment de son éternité. Faux, évidemment ! Mais l’illusion est si belle, qui se nourrit de la patience à se donner le temps d’ouvrir les yeux, à accepter de s’alanguir dans l’eau qui court devant soi. Cette Loire ne ressemble décidément à aucun autre fleuve.

La Loire et ses affluents, il faut les aimer comme ils sont…

Le mot ligérien, évidemment, n’est pas un people du langage. Il n’a pas la gueule à passer tous les jours à la télé. Pas plus qu’il n’a celle à se travestir dans les oripeaux des faux-semblants, histoire de plaire au monde. La Loire et ses affluents, il faut les aimer comme ils sont avec leurs sautes d’humeur si marquées entre l’été et l’hiver.

Ligérien est aussi un mot qui donne de la couleur aux vins qu’il berce dans sa main calleuse de tuffeau en Touraine et de schiste en Anjou. Il nous met en bouche leur fraîcheur. J’en suis amoureux et le confesse volontiers. Et il me plaît à croire que lorsque je serai vieux, avec mon ami Jean-Eric, le chapeau sur les yeux et assis sur la berge un verre de l’un de ces vins à la main, quelques jeunes femmes nous trouveront encore beaux à l’ombre de notre malice.

Ligérien, c’est un mot porte-parole enfin pour tous ces hommes et femmes qui s’escriment chaque jour à faire vivre leur région au travers de ces flacons justement dont la Culture est plusieurs fois millénaire et dont le poids économique mais aussi social est de première importance avec environ 4.500 exploitations de la Côte Atlantique nantaise à Pouilly-sur-Loire. Avec une jeune génération qui a envie de travailler dans le respect des sols et de la nature. Les consommateurs ne s’y trompent pas, qui attendent d’en savoir plus sur ce qu’ils boivent, et c’est bien normal. Eux, de toute façon, seront les juges de paix.

Grâce à tous ces vignerons, le vin offre même une lecture optimiste de l’avenir, puisqu’il exprime une diversité très large dans ses expressions, autant sur le plan gustatif, culturel qu’économique, et des convictions très affirmées de citoyens qui n’ont pas envie de se faire dicter leur conduite par un marché où la standardisation voudrait parfois les entraîner. Sans oublier la complexité de ces vins qui permet d’ailleurs de voir de vieux cépages retrouver une seconde vie. Je pense au pineau d’aunis, au côt, au gamay, au malvoisie, au grolleau qui ont failli un temps sombrer dans l’oubli. Et puis, n’est-ce pas là l’affirmation de la liberté de l’homme de dire son amour pour un produit « suspect », le vin, dans une société gangrénée par l’hygiénisme intellectuel et sanitaire ?

C’est une certitude : on ne délocalisera jamais la Loire ni ses affluents

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Enfin, je pense que plus les vins afficheront leur complexité et plus ils trouveront leur place sur des marchés où les chenins, les sauvignons et les cabernets francs de Loire seront toujours plus frais que les vins du Nouveau Monde, comme on dit. C’est une certitude : on ne délocalisera jamais la Loire ni ses affluents, pas plus que leurs brumes d’automne, pas plus qu’on ne délocalisera un jour ce tuffeau de Touraine, ce schiste d’Anjou ou encore la colline de Sancerre.

Rendons donc au vin ce qui lui revient, ce qu’il nous a donné et ce qu’il nous promet. Du plaisir total. De la mémoire. Une Histoire. Et de l’émotion parfois. Avec une approche humaine pour proposer un éclairage profond sur les visages qui balisent cette passion tout au long de cette partie de la Loire. Et qui nous offrent ces joies du partage et de l’échange, incomparables tisserands du lien social. A l’heure où notre société en manque cruellement, on ferait bien de s’en souvenir.

Jean-Claude BONNAUD
Revue trimestrielle “Le Vin Ligérien

Crédit Photo : Lola Diogo (DR)

*L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.

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