Le vin, c’est comme un nuage. Il glisse sur des tons sombres ou clairs dans le vent de l’apaisement et des rêves. Il dessine sur l’air du temps des notes délicieuses et changeantes qui dansent telles des ombrelles au dessus de nos têtes.

Ces ombrelles, je les aime parce qu’elles nous abritent des grands tracas du monde quand ils sont en chute libre, en dérapage totalement incontrôlé, dans les colonnes de nos journaux, sur les écrans de nos télévisions ou de nos ordinateurs, alors agités de mille soubresauts frénétiques dus aux accélérations que la numérisation des données a offertes en pâture à notre monde avide de rapidité.

Qui se goberge de bruits qu’on nous fait passer pour des informations alors que ce n’est bien trop souvent qu’un fast-food de digressions personnelles affligeantes ou bourrées d’intérêts commerciaux qui nous ferrent sans peine sur l’autel du dieu fric et de la consommation. Il suffit, en plus, qu’un média s’empare d’un sujet pour que tous les autres suivent comme un seul homme, les doigts sur la couture du pantalon, au garde-à-vous devant le général audience. Pire aujourd’hui : le général buzz.

Le buzz, c’est le bazooka pour arracher le Graal. Logique puisque le marché de la communication se nourrit de l’audience. Autrement dit : audience = publicité. Pas d’audience = 0. Reste néanmoins que le gâteau, ou le fromage, si vous préférez, n’est pas extensible et qu’à un moment donné, si une purée nourrit un mille-pattes, elle aura du mal à en rassasier un millier… Sans compter, donc, qu’il y a le réflexe du mouton.  J’en sais quelque chose, j’ai bêlé pendant trente ans. Et donc bien failli en perdre ma voix.

Quand vos confrères bastonnent avec des Unes où les mêmes infos se retrouvent, vous donnerez l’impression d’être un plouc qui ne comprend rien à rien si jamais l’envie vous prend d’être iconoclaste, a fortiori dans un journal dit généraliste. Évidemment, il faut bien se dire qu’être novateur, c’est accepter une forme aggravée de solitude. De conviction. Et de persévérance.

Lors des derniers mois, preuve a encore été donnée de ce « moutonnisme » délirant. Coppé et Fillon ont fourni le feuilleton de la fin 2012 avant que Depardieu ne prenne le relais, juste avant la prise en mains des ouvertures médiatiques par les manifs contre ou pour le mariage pour tous. Juste avant les aventures amoureuses de François Hollande. Juste avant l’arrivée de Nicolas Sarkozy dans le jeu politique. Juste avant encore je ne sais plus trop quoi, qui s’éteindra rapidement sous l’avalanche de communications diverses variées, rumeurs ou informations puisque les deux dans notre société mondialisée ont le même statut aujourd’hui. Bon sang, quel matraquage ! Pendant ce temps-là, la Syrie continuait et continue d’être à feu et à sang, une partie de la terre de mourir de faim et des femmes étaient et sont toujours privées de leur propre identité. J’en passe et malheureusement d’aussi graves encore.

C’est ainsi : notre monde crève de perdre sa capacité à dire non. Comme si l’on n’avait plus la force de se mettre debout, préférant s’avachir dans son canapé pour ingurgiter des litres et des litres de télévision puisque, elle, on peut la consommer sans modération.

J’ai levé la tête et regardé les nuages.

J’ai essayé, de mon côté, ces derniers temps, de me protéger de ces ciels mauvais, comme j’ai pu. J’ai levé la tête et regardé les nuages. Bien m’en a pris. Car en cette période de l’année, il y en avait à la pelle. J’ai donc pu planer à loisir. Un verre à la main comme il se doit puisque les nuages et le vin portent le même combat du rêve. L’un des plus jolis flacons que j’ai bus en cette fin 2014 ? Un Saumur-Champigny 1989 de René-Noël Legrand. Une incroyable vivacité sur une matière superbe.

Vrai, il faut prendre le plaisir de ces moments de paix dans ce monde où la vitesse de toute chose a remplacé l’élégance du temps passant à sa mesure, clopin-clopant, devant le feu de cheminée où les flammes étaient des amies et pas l’enfer. On dit même que cet endroit où les flammes éclairaient la pièce s’appelait le foyer… Tu te rends compte ?…

Jean-Claude BONNAUD
Revue trimestrielle « Le Vin Ligérien »

Crédit Photo : Père Igor (Wikimedia Commons)

*L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.

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