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Bonjour, pouvez-vous vous présenter ? Quelles sont vos missions au sein de la fondation ANAKO ?

Bonjour, je m’appelle Patrick Bernard, je suis ethnologue, réalisateur de films documentaires pour la télévision et des réseaux de conférences, mais aussi auteur. Je suis le président de deux associations : ICRA International et la fondation ANAKO. ICRA International est un mouvement de solidarité avec les peuples autochtones à travers le monde, également à l’origine d’un collectif d’associations qui a permis l’attribution du prix Nobel de la paix 1992 à Rigoberta Menchú Tum.

Portrait de Patrick Bernard par Éric Dessons

Pouvez-vous nous présenter la fondation ANAKO ?

La fondation répond à une demande complémentaire des membres de l'association ICRA International, comparable à Amnesty International, mais dédiée aux ethnies minoritaires. Elle est à l’origine d’un prix Nobel de la paix et d’un collectif œuvrant contre la biopiraterie. Elle compte environ 300 représentants autochtones.

Ces représentants nous ont demandé de les aider, à une époque où les traditions orales disparaissent, à écrire leur propre livre d’histoire à l'aide d'outils audiovisuels. En effet, ce sont des peuples de l’oralité et tout se transmet donc de la bouche des anciens. Les pressions du monde extérieur sur ces peuples stoppent parfois une transmission des connaissances de plusieurs millénaires.

Le travail de la fondation est donc de mettre en œuvre des programmes de terrain qui consistent à former des communautés autochtones aux outils audiovisuels et à leur donner le matériel nécessaire pour qu’ils puissent enregistrer leurs rites et traditions avant qu’il ne soit trop tard.

Nous faisons aussi un travail de conservation en recevant, sous forme de legs, des films, des images, des sons et des objets muséographiques des pionniers de l’exploration ethnographique. Nous les numérisons et les restituons aux communautés concernées, ils font partie de leur histoire.

Notre travail est notamment visible sur la péniche Anako, sur le bassin de la Villette, mais aussi à l’ethno-musée du château de Verrière.

 

Les pressions du monde extérieur sur ces peuples stoppent parfois une transmission des connaissances de plusieurs millénaires.

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Comment est née cette fondation : quel a été l’élément déclencheur ?

La fondation est née en 2010 suite à ma rencontre avec le chef Yawalapiti Aritana de la région du Haut-Xingu au Brésil. Aux côtés du chef Raoni, il a œuvré contre la déforestation et pour le respect des peuples amérindiens. Il est malheureusement décédé il y a peu.

Lorsque j’étais dans son village en 2010, il m’a demandé d’apprendre à un groupe d’une dizaine de jeunes à filmer et de leur laisser du matériel pour qu’ils puissent enregistrer un rituel fondateur : le Kuarup. Il s'agit d'une cérémonie de lever de deuil réalisée un an après le décès d’un individu, permettant à son âme d'être libérée.

Ce projet a merveilleusement bien marché. Les jeunes ont fait un travail extraordinaire qui a été diffusé par les chaînes de télévision nationale. C’est ce qui nous a donné l’envie de mener des projets similaires à travers le monde.

Le travail de la fondation peut être aperçu à l’ethno-musée du château de Verrière. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Le château médiéval est un témoignage de notre histoire au travers de ses vieilles pierres, au même titre que nos écrits. Les peuples qui sont présentés dans l’ethno-musée n’ont pas de telles pierres puisque leurs habitats sont constitués de feuillages et de branchages qu’un souffle de vent suffit à effacer.

Ils n’ont pas non plus d’écrits et par-dessus tout, leur histoire est racontée par ceux qui les ont envahis. C'est donc un clin d’œil que de présenter ces peuples à l’intérieur d’un château. Cela répond également à une passion personnelle pour l’histoire.

Dans le musée, il y a des expositions permanentes et temporaires, renouvelées tous les 2 ans. La visite guidée dure deux heures et demie, nous offrons tout un cheminement à nos visiteurs : c’est un parcours à travers différentes cultures de chasseurs-cueilleurs itinérants, d’agriculteurs sédentaires et d’éleveurs nomades. Il y a notamment certains de leurs habitats dans la cour. Plusieurs salles sont dédiées à la projection et une grande médiathèque, contenant plus de 150 films, est également accessible.

Nous recevons aussi des legs. Il y a une tradition à laquelle je me suis soumis durant ma vie de voyageur qui est le don et le contre-don. Lorsque je rejoins une tribu, je fais un cadeau et à mon départ, celle-ci m'offre quelque chose en retour. Ces présents y sont justement présentés.

Nous accueillons également de grands témoins de ces peuples. Ce fut notamment le cas avec 19 autochtones de la tribu des Wayampi de Guyane, venus présenter leurs danses traditionnelles. Nous avons récemment organisé une exposition autour du textile, l’occasion de recevoir des personnes pratiquant le tissage artisanal du Népal et de la cordillère des Andes. Nos bénévoles, très investis, les accueillent souvent chez eux.

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Pouvez-vous nous parler du festival du film ANAKO ?

La première édition a eu lieu en 2015 grâce à un partenariat avec la ville de Loudun. L’événement s'articule autour de projections-débats avec des ethnologues et des réalisateurs autochtones. Les films documentaires sont diffusés dans des cinémas et centres culturels.

Réussir tel pari dans le secteur rural n'a pas été évident, mais la formule plaît désormais beaucoup.

Assez rapidement, nous avons décidé d’étendre le Festival Anako du film aux villes voisines. Depuis 2019, l'événement est présent à Saumur, Angers, Saint-Barthélémy-d’Anjou, Bressuire, Turquant, Chinon, Richelieu, Poitiers, Châtellerault et d'autres !

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Comment travaillez-vous pour sensibiliser vos différents publics, plus particulièrement les jeunes, à toutes les problématiques dont sont victimes les peuples autochtones ?

Je l’ai toujours fait grâce à ma profession. J'organise des conférences autour de mes films documentaires, souvent des longs-métrages. J’ai aussi l'habitude de passer dans les écoles et universités.

Avec la fondation et l’ethno-musée, nous faisons la même chose :  de la médiation culturelle. En novembre, nous organisons une exposition au théâtre de Saumur.

Nous avons aussi élaboré trois journées de médiation scolaire avec les enfants du primaire grâce à des films Arte Junior. On discute autour de ces supports. La possible rencontre avec des autochtones intéresse d’autant plus : ce sont des peuples qui ont une autre philosophie de la vie, un rapport à la nature singulier.

Les enfants entraînent d'ailleurs régulièrement leurs parents à l’ethno-musée. Ils sont très sensibles à cette thématique. Le dialogue entre les cultures passe par les jeunes générations.

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