Bonjour, pouvez-vous vous présenter ? Quelles sont vos missions au sein de l'abbaye de Saint-Savin ?
Bonjour, je m’appelle Xavier Bouyer, je suis le directeur de l’abbaye de Saint-Savin. Celle-ci est gérée par un établissement public de coopération culturelle (EPCC) créé par un ensemble de collectivités partenaires et l’État.
Je dirige donc le monument, constitué d'une dizaine d’agents permanents, mais aussi de vacataires qui viennent renforcer les équipes lors de la saison estivale.
Quelle est la particularité de l'abbaye ? Qu'abrite-t-elle d'extraordinaire ?
L’abbaye de Saint-Savin est célèbre pour son abbatiale, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1983. Elle possède le plus grand ensemble de peintures murales romanes d’Europe, daté des XIe et XIIe siècles. Quand vous rentrez dans un tel édifice, vous prenez conscience de ce que pouvaient être les églises au Moyen Âge.
Elle possède le plus grand ensemble de peintures murales romanes d’Europe.
Comment ces exceptionnelles peintures murales ont-elles traversé les âges ? Quelles ont été les méthodes de conservation ?
L’abbaye a été sauvée au XIXe siècle par Prosper Mérimée, qui avait pris conscience de l’importance de ce patrimoine. À l’époque, les techniques de conservation n’étaient pas les mêmes : il s’agissait plutôt de repeindre et de consolider l’édifice, si nécessaire.
Aujourd’hui, nous ne sommes plus du tout sur ce type d’approche. Le monument est toujours consolidé, mais nous ne faisons plus de repeinte.
Nous considérons que la restauration doit être visible : elle doit être facilement identifiable. Par exemple, nous allons utiliser la méthode du pointillisme, qui consiste à appliquer de petits points, en nous adaptant à l’ambiance chromatique. Ce choix va nous permettre de visualiser facilement les travaux qui ont été faits.
Ces restaurations doivent être réversibles. C’est donc tout un travail entre esthétique et vieillissement de l’œuvre qui est mené. Les restaurateurs cherchent à conserver la patine du temps, tout en redonnant de l’éclat à l'image.
Nous disposons par ailleurs d'un témoignage d'une restauration dite contemporaine dans le réfectoire. Il s'agit de la dépose d’une des scènes de la nef, « Le combat des rois ». Les restaurateurs n’ont pas jugé viable de reposer cette scène.
L'abbaye de Saint-Savin est aussi un témoignage de l'évolution des styles architecturaux. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Cet édifice roman, de 42 mètres de long et haut de 17 mètres est ce que l'on appelle une église-halle. Les collatéraux sont très élevés et présentent de grandes baies vitrées, ce qui lui donne une clarté sans égale.
Le bâtiment conventuel présente une architecture du XVIIe siècle, plus classique car malheureusement victime de nombreuses destructions pendant la guerre de Cent Ans et les guerres de Religion. C’est d'ailleurs au XVIIe siècle que l’ordre des moines de Saint-Maur s’installe et lance la construction des bâtiments que nous connaissons aujourd'hui.
Une autre partie intéressante est le logis, également daté du XVIIe siècle. Il fut légèrement remanié au XIXe siècle par l’inventeur de l'ascenseur hydraulique, Félix Léon Edoux. Il y a d'ailleurs installé le premier ascenseur privé de France.
La tour crénelée a notamment été repensée pour accueillir ce système. Cette partie de l'abbaye est actuellement en travaux pour être transformée en hôtel-restaurant.
Nos visiteurs pourront aussi déambuler dans le réfectoire où les moines prenaient leur repas. Au premier étage, ils observeront leurs cellules, aujourd’hui transformées en parc scénographique. Un troisième espace aménagé en auditorium projette quant à lui un film retraçant la vie d'antan. Enfin, il est possible de visiter les jardins.
Vous avez mis en place une visite scénographique grâce à une tablette. Est-ce une volonté d'inclure le numérique dans la visite dite classique ?
Nous avons un premier public que nous connaissons bien, plutôt âgé, mais nous souhaitons également toucher les familles, construire un lien avec les nouvelles générations, en leur montrant la richesse d’un tel monument.
Nous souhaitions disposer d’un outil différenciant, les tablettes le sont. Nous avons mené un long travail pour proposer une expérience unique. Par exemple, un son en 3 dimensions accompagne le visiteur, ce qui permet une grande immersion.
Cette tablette offre une vue sur certains lieux fermés au public ou uniquement accessibles en visite guidée, grâce notamment à des films en haute définition, des infographies, etc. Cette visite scénographique fonctionne très bien et nous voyons bien la richesse qu'elle peut apporter à un monument comme le nôtre.
Elle nous permet également de nous adresser à un public étranger. Jusqu’à présent, les visites guidées n’étaient pas forcément en langue étrangère. Désormais, nous proposons une traduction en 8 langues.
Il est possible de choisir l'un des trois parcours : le premier, réalisable en trente minutes, invite à voir l’essentiel des contenus. Le parcours d'une heure, celui que nous préconisons, offre un accès à l’intégralité des contenus. Enfin, le dernier parcours, dédié aux enfants de 8 à 12 ans, suit le même itinéraire que celui emprunté par les parents tout en les amenant à se déplacer et ne pas rester passifs.
Différentes balises disséminées sur l'ensemble du trajet vont envoyer un signal pour lancer une infographie, une vidéo, un audio, etc. Il reste tout à fait possible de le faire manuellement. Nous avons souhaité laisser une très grande souplesse à l'utilisateur.
Les parcours sont aussi traduits en langue des signes, retranscrits en audiodescription et dans une version « facile à lire et à comprendre », basée sur la vidéo et les infographies.
Qu'en est-il de la programmation culturelle ?
Avec la situation sanitaire, nous avons dû annuler la majorité de notre programmation culturelle. Néanmoins, lorsque cela est possible, nous proposons des expositions, concerts et activités ludiques.
Les prochaines dates importantes sont bien entendu les Journées européennes du patrimoine, les 19 et 20 septembre 2020.
Pour les vacances de la Toussaint et celles de fin d’année, nous allons renouveler l'activité « Larcin à Saint-Savin », un escape game géant à l’échelle de l’abbaye.
Nous comptons reprendre très prochainement les visites théâtralisées, durant lesquelles nous redonnons vie à des personnages iconiques de l'abbaye.
Dès le 17 octobre et jusqu’à la fin de l’année, les visiteurs pourront découvrir l'exposition Le Moyen Âge dans tous ses états, dédiée aux émotions durant cette période historique.
Enfin, en 2021, nous accueillerons une exposition photographique, dédiée au travail de Jean-Claude Coutausse sur la Palestine.
